Il y a une chose qui était évidente pour nous dès le début de notre périple, c’est que l’on voulait éviter au maximum les voies rapides afin de profiter pleinement des paysages que l’on serait amené à traverser en camion. Pour notre passage de frontière avec l’Italie, nous avons donc décidé d’éliminer le tunnel du mont blanc et de prendre les routes de montagne jusqu’au col Agnel qui marque la frontière entre la France et l’Italie.
Le paysage était magnifique depuis un moment déjà. Côté France, les Alpes sont vraiment superbes. On roule plusieurs heures dans un décor majestueux. On s’arrête parfois pour admirer quand la route le permet et quand cette dernière serpente trop pour permettre un stop, alors je capture des photos à la volée par la fenêtre ouverte. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour faire de belles photos, d’autant plus que je les prends avec le téléphone. Mais c’est plus fort que moi, j’ai envie d’immortaliser le paysage à chaque virage comme une boulimique qui n’en a jamais assez.
Je n’arrête pas de me dire :
« Waouh, c’est encore plus beau qu’il y a deux minutes ! Clic ! ».
Il faut dire aussi que cette fois, on sait que nous ne reviendrons pas en France avant un long moment. Alors que l’on roule au milieu des montagnes, on prend enfin la mesure du voyage que l’on s’apprête à vivre et du fait que l’on ne reverra pas amis et famille avant plusieurs mois. L’émerveillement d’entreprendre enfin ce grand voyage nous rend soudain ultra réceptifs à la beauté. Après tout, si on a tout laissé dernière c’est pour se sentir vivants au milieu de paysages grandioses tels que ceux-ci.
Et l’émerveillement est véritablement à son comble lorsque l’on arrive enfin au sommet du col Agnel, devant cette ligne en pointillés tracée au sol et qui délimite les deux pays. Le jour commence à tomber et, alors que le versant français était dégagé jusque-là, le versant italien ouvre sur une magnifique mer de nuages coincée entre les hauts sommets enneigés des Alpes. La route serpente au loin pour plonger et disparaitre dans cette étendue cotonneuse.
Si nous avions encore quelques incertitudes à quitter notre pays pour de longs mois, celles-ci disparaissent définitivement grâce à ce passage de frontière grandiose.
Comme il commence à se faire tard, nous décidons de nous arrêter quelques centaines de mètres plus bas et de passer la nuit ici. Inutile de s’embêter à conduire plus loin pour se retrouver dans un brouillard épais. On passe un moment à admirer les bouquetins qui sont nombreux dans cette région. Je suis impressionnée de voir comme ils n’ont pas peur de nous.
La nuit sera… vous vous attendez à ce que je dise paisible ? Non, malgré ce décor idyllique, elle fut un véritable enfer ! Et je pèse mes mots. À l’heure où j’écris ces lignes, plusieurs mois après, cette nuit reste de très loin la pire que j’ai vécue ! Car c’est au sommet de ces montagnes que j’ai rencontré mon pire ennemi nocturne… le vent ! Le camion aura été secoué toute la nuit de gauche à droite, dans un vacarme de sifflements qui s’engouffraient par les lanterneaux et qui ne cessera pas avant 7 ou 8 heures du matin. Jules à côté de moi n’aura aucun mal à s’endormir au milieu de cette tempête. Moi, sans bouchons d’oreilles, je ne vais pas fermer l’œil de la nuit. Pas une minute, pas une seconde…
Heureusement, la beauté du paysage au petit matin, la vue sur les monts enneigés et sur le Pain de sucre, apaise un peu mon mal de crâne. Il était question de faire une longue randonnée ce matin-là mais je ne suis clairement pas en état. Alors on repousse au lendemain et on descend plus bas dans la vallée pour passer une journée détente, au bord d’une petite rivière.